Le 14 avril 2012 a été une journée particulière au Salvador : pour la première fois depuis des années, aucun meurtre n’a eu lieu ce jour-là. Ce simple fait en dit long sur la situation dans laquelle s’est enlisé ce pays, mais aussi ces voisins du Honduras et du Guatemala, depuis les années 90.
Les maras
Le phénomène des gangs, ou maras en espagnol, est né aux Etats-Unis dans les années 80 : des immigrés venus d’Amérique centrale ont fondé ces gangs, avant d’être expulsés massivement dans les années 90, notamment après les émeutes de Los Angeles en 1992, et de s’implanter dans leurs pays d’origine, y maintenant une violence extrême.
L’ONU estime ainsi que le Salvador et le Honduras ont été ces dernières années les pays les plus violents du monde, avant des états en guerre, comme l’Iran ou l’Afghanistan. Comptant, selon diverses estimations, entre 50 et 80 000 membres, ces bandes organisées ont pour activités le trafic de drogue, le proxénétisme, les cambriolages, le racket, l’enlèvement contre rançon, et bien évidemment les assassinats, considérés aussi comme un rite initiatique d’intégration dans le gang.
Les deux principales maras s’appellent la Mara Salvatrucha, abrégée aussi en M13, et la Mara 18 ou 18th Street Gang. La première est d’origine salvadorienne, la seconde est née à Los Angeles (son nom étant une référence à la 18e Rue de cette ville). Toutes deux sont actives en Amérique centrale, au Salvador, au Honduras et au Guatemala, mais aussi au Mexique, au Nicaragua et aux Etats-Unis.
Le terme même de mara aurait plusieurs origines : en caliche, argot salvadorien, il signifie gang ; c’est aussi le nom que l’on donne à une espèce de fourmi, et l’abréviation de marabunta, une migration de masse de ces fourmis. Plus prosaïquement, c’est enfin le nom d’une rue de San Salvador.
Organisation des maras
L’une des particularités de ces organisations criminelles est de recruter de très jeunes adolescents, voire des enfants, issus de milieux défavorisés ; l’entrée dans les gangs peut avoir lieu dès l’âge de 11-12 ans, recrutant des jeunes qui ont été témoins d’actes de violence dès leur plus jeune âge.
L’initiation de ces jeunes passe par des meurtres, des violences diverses, souvent un viol collectif pour les femmes. Les membres de ces gangs arborent, en guise de signes distinctifs, des tatouages couvrant largement leur corps, qui signent leur appartenance à telle ou telle mara.
Deux documentaires sortis en 2012, l’un en film, l’autre en bande dessinée, permettent de découvrir la réalité des maras : Alma, webdocumentaire présentant le témoignage d’une jeune fille enrôlée dans un gang de 15 à 20 ans, et une bande dessinée du journaliste Chappatte, reportage dessiné au fil de rencontres avec des gangs de Guatemala City.
Politique anti-gangs en Amérique Latine
Face aux maras, les gouvernements des pays concernés ont d’abord adopté une politique de répression impitoyable : la « Mano Dura » au Salvador et au Guatemala, la Tolérance Zéro au Honduras, n’ont rencontré aucun succès, contribuant aussi à augmenter le climat de violence, sans pour autant lutter efficacement contre les gangs.
Dans le même temps, des programmes de prévention auprès des jeunes s’arrêtaient, faute de financements, et les membres des maras arrêtés et emprisonnés continuent souvent leurs activités depuis leur prison, quand leur condamnation ne se fait pas attendre, faute d’une justice disposant de moyens suffisants pour agir.
Le Salvador a tenté en 2012 une autre approche, négociant avec les deux principales maras, la M13 et la M18, évoquées précédemment, une trêve qui semble, pour l’instant, porter ses fruits : au premier semestre 2012, le taux d’homicide du pays a diminué de 32%, celui des enlèvements de 50%.
Il n’en reste pas moins que cette trêve, si elle diminue la violence, et c’est son principal objectif, ne résout pas les causes même de l’existence de ces gangs : la précarité économique, l’absence de réelle politique sociale de prévention en direction des plus jeunes, mais aussi la quasi impunité des marareros, la corruption d’une partie de la police et de la justice.
Je vous conseil de voir l’excellent film « Sin nombre »: